Nam septembre 2023

Date de parution: 29.09.2023

éditorial
Je t’aime… moi non plus

La guerre fait peur, mais moins que l’érosion du pouvoir d’achat. Avant les élections nationales du 22 octobre prochain, Nam a demandé à des représentants de tous les partis en lice qu’elles seraient, selon eux, les priorités de la prochaine législature. Poutine, les Chinois, la Covid? Non, non, non, pas du tout. Pour autant qu’ils restent suffisamment éloignés de nos frontières, les événements internationaux n’ont de fait qu’un effet indirect sur les préoccupations de la population. Le «grand méchant loup», c’est le coût de la vie qui dévore les économies et menace de tout emporter (lire la Chronique fédérale).

Au fond, rien de nouveau: la Suisse est depuis longtemps un îlot de cherté au cœur de l’Europe. Mais au cours des dernières années, la situation n’a cessé d’empirer. L’instabilité mondiale a boosté les prix à la consommation, que ce soit pour de bonnes ou mauvaises raisons. Les sites de comparaison constatent sans surprise que le coût de la vie en Suisse est globalement un tiers plus élevé que la moyenne des pays de l’Union européenne. Les loyers, la viande ou les médicaments sont par exemple jusqu’à deux fois plus chers qu’en France.

Pour une partie toujours plus grande de la population, la liberté économique est une chimère. Une fois renouvelés, le Conseil fédéral et les Chambres vont devoir s’attaquer franchement à cette problématique. Casser la spirale ascendante des coûts de la santé, améliorer l’AVS, garantir l’approvisionnement énergétique, investir dans les nouvelles technologies: le catalogue des urgences est long, très long.

Les belles années se sont envolées et la Suisse doit s’adapter aux nouvelles contingences, le tout sur fond de crise et de conflit. Attention: il ne s’agit pas seulement de repenser des structures ou le droit, cela touche aussi aux principes et aux valeurs qui l’ont forgée et ont fait sa prospérité. La neutralité telle qu’imaginée aux 19^e et 20^e siècle a-t-elle encore un sens dans le monde globalisé du 21^e?? Les interviews des députés de tous les courants politiques soulignent sans équivoque à cet égard que la neutralité reste un tabou, même dans son application à géométrie variable.

Cela dit, les impératifs sécuritaires ont poussé les autorités à s’orienter davantage vers nos voisins. Si, tant pour la gauche que pour la droite, il n’est absolument pas question d’adhérer à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), s’en rapprocher s’avère en revanche une option assez largement soutenue. Nécessité fait loi. Et cela donne en quelque sorte le feu vert au DDPS pour accroître son interopérabilité avec l’OTAN.

Reste que la Suisse est une habituée des strapontins. Combien de temps tiendra-t-elle en étant ni tout à fait dedans, ni tout à fait dehors? Voilà qui rappelle furieusement la trajectoire de nos relations avec l’Union européenne… A l’évidence, notre pays est passé maître au jeu du «Je t’aime … moi non plus». Et ce n’est qu’à l’heure de la reconstruction de l’Ukraine - que l’on souhaite le plus tôt possible - que l’on pourra dire objectivement si le slalom des sanctions et des non livraisons d’armes tient de l’erreur ou du génie politique. Au prochain Parlement d’en tirer les conséquences et d’établir une feuille de route qui donne l’élan et les moyens nécessaires pour relever les défis futurs.

José Bessard