Nam septembre 2021

Date de parution: 9.09.2021

éditorial
Faux débat

Pas d’avions, pas d’armée! Les conflits qui enflamment la planète le démontrent malheureusement au quotidien: la domination du ciel est une condition sine qua non de survie. Renoncer à une couverture aérienne moderne revient à envoyer les soldats à une mort certaine. Disons-le tout net: c’est un pari stratégique scandaleux pour tous ceux qui s’engagent à garantir la sécurité et la souveraineté du pays. 

L’attaque lancée par l’initiative populaire «Stop F-35» sonne faux. Elle s’en prend au chasseur américain sous prétexte qu’il serait trop cher, inadéquat et par-dessus tout… américain! Un modèle européen aurait eu toutes ses chances, nous souffle-t-on à l’oreille. Et pourquoi pas chinois ou russe (par ailleurs, excellents)? On comprend mal que le Parti socialiste, bien assis au Gouvernement, embouche les trompettes cacophoniques de la dissidence.

Plutôt que de chercher des poux dans la chevelure de l’oncle Sam, il serait préférable de déclarer comme en 89: supprimons l’armée! Bon. Il est vrai que dans le contexte international actuel, ce serait prendre le risque d’une grosse claque au fond des urnes. Il n’en demeure pas moins que ce serait plus franc que de se mettre à la remorque du Groupe pour une Suisse sans Armée (GSsA).

D’autant que la litanie des arguments anti-tout ne s’est pas vraiment renouvelée depuis 30 ans. Qui prend le temps de l’examiner se rend compte qu’elle tient davantage de l’esbroufe rhétorique que d’une approche technique et comparativement sereine. Le contraste est saisissant en regard de l’argumentation de la Confédération. Les experts fédéraux ont fait un travail d’analyse exemplaire, qui ne laisse aucun doute sur les qualités respectives des quatre avions de combat en lice (lire la rubrique fédérale).

Si le F-35 l’a emporté largement, c’est parce qu’il s’agit d’un chasseur de 5e génération, prêt à affronter les conflits futurs qui ne manqueront hélas pas de survenir. Le Conseil fédéral a fait un choix fondé et cohérent. Il garantit la défense et la sécurité de la Suisse pour les 30 à 40 prochaines années. L’offre de l’avionneur Lockheed Martin - constructeur du F-35 - est assurée par le Gouvernement des États-Unis et se révèle moins chère que celles de ses concurrents. Difficile de faire mieux.

Quant à l’initiative, la façon de procéder soulève un certain nombre de questions éthiques. Peut-on vraiment remettre en cause a posteriori une procédure approuvée en votation populaire? L’initiative n’est pas pensée comme un référendum qui, lui, sanctionne après coup. Il y a là un joli débat à mener entre juristes.

Reste que, comme le relève le professeur de droit constitutionnel Pascal Mahon, cette initiative pourrait finalement être invalidée par le Parlement, parce que contractuellement inexécutable. Et en cas de votation populaire, il paraît également tout à fait improbable que la majorité des cantons se rallie à la bannière du GSsA…

On le voit, il n’y a là rien de constructif. Cette initiative n’est autre qu’un missile politique visant à faire un maximum de dégâts. Les opposants se servent du F-35 comme d’un «cheval ailé de Troie» pour investir la place. Mais l’histoire ne se répète pas. La manœuvre échouera.    José Bessard